Le rat et l’hindouisme
Le temple Karni Mata
A Deshnok, en Inde, se trouve un temple très particulier : le temple de Karni Mata, aussi connu comme « le temple des rats ». En effet, dans le temple se trouvent plus de 20 000 rats considérés comme sacrés appelés Kabbas, ce qui signifie enfants. C’est la seule communauté de rats diurnes identifiée dans le monde.
Selon la mythologie hindoue, Karni Mata est une sage née en 1387 au sein de la communauté des Charan, une caste de bardes, conteurs et poètes. Elle est la réincarnation de la déesse Durga, épouse de Shiva le plus vénéré des dieux.
La légende la plus répandue raconte que le beau-fils de Karni Mata serait mort noyé. Elle aurait alors supplié Yama, le dieu de la mort, de le ramener à la vie. Après avoir refusé, il finit par accepter sa requête, en le ressuscitant sous forme de rat. Il ne s’arrêta pas là : chaque Charan sera réincarné en rat après sa mort. Les fidèles considèrent ces rats comme des réincarnations de leurs ancêtres, ils les traitent ainsi comme leur propre famille.
Intérieur du temple de Karni Mata à Deshnok
Le temple de Karni Mata fut érigé en l’honneur de ces rats, réincarnations de poètes. Ils y vivent toujours aujourd’hui par milliers. Des descendants des Charan les servent jour et nuit et vivent en harmonie avec eux. La nourriture et les boissons goûtées par les rats sont considérées comme bénies. Leurs repas sont constitués d’offrandes des pèlerins souvent faites de lait, de graines, de sucreries et de noix de coco. Malheureusement, il arrive que les rats
meurent d’un excès de nourriture sucrée qui les rend diabétiques.
Rats (poètes, bardes et conteurs réincarnés) au temple de Karni Mata à Deshnok
(Photo Abdel Sinoctou, licence Creative Commons)
De nombreux visiteurs entrent dans ce temple chaque année. L’une des conditions pour le visiter est d’être pieds-nus, ce qui rebute souvent les touristes venus par curiosité. Il faut faire attention où on met les pieds ! Marcher sur un rat est passible d’une amende, et si par malheur l’un d’eux est tué, il doit être remplacé par une statue en or massif le représentant. Les rats sont habitués aux hommes et ne montrent ni peur ni agressivité, se baladant entre les pieds des fidèles et osant parfois leur grimper dessus.
Il y a dans le temple quelques rats « blancs » qui sont très recherchés : ils seraient les manifestations de Karni Mata elle-même, les apercevoir est un privilège. Si on a la chance de les voir, il convient de leur offrir des confiseries. Autre fait étonnant, jamais un raton n’aurait été aperçu dans le temple.
De plus, les rats sont protégés des prédateurs grâce à des filets tendus au-dessus du temple et la nourriture est abondante, mais la population ne s’accroît pas. Selon les Charan, les nouveaux rats apparaissent du jour au lendemain, déjà adultes.
Ces rats sauvages restent à l’intérieur du temple, ne causant ainsi aucun dégât dans la ville de Deshnok et ses alentours. Jamais une maladie ne s’est répandue à cet endroit, malgré une grave épidémie de peste en 1927 qui a ravagé cette région de l’Inde : aucun de ces rats sacrés n’a été touché.
Le Dieu Ganesh
Très populaire en Inde, Ganesh est fils de Shiva et de Parvati. C’est le dieu du savoir et de la vertu. Parvati l’a conçu seule, lors d’une longue absence de Shiva parti méditer. Lorsque ce dernier rentra chez lui, il découvrit un enfant barrant l’entrée de sa maison pendant que Parvati prenait son bain. Se sentant insulté, il lui coupa la tête qui roula et fut introuvable. Lorsque Parvati sortit de son bain, elle expliqua tout à Shiva en lui demandant de ramener
son fils à la vie. Il parti à la recherche d’un jeune être hors de la vue de sa mère. Le premier animal qu’il croisa correspondant à cette définition était un éléphanteau dont il coupa la tête pour remplacer celle de Ganesh. Il fut alors accepté par les dieux.
Ganesh et sa monture le rat
Une déesse lui servit un plat de gâteaux sucrés. Un rat, attiré par l’odeur, sorti de son trou. Il se mit à terroriser tout l’entourage de Ganesh. Ce
dernier l’attrapa avec un lasso et en fit sa monture, son Vâhana. Ce rat est nommé Mûshika.
Mûshika était à l’origine un musicien céleste. Un jour, il marcha par mégarde sur les pieds d’un Rishi (un sage hindou). Une malédiction le transforma en rat. Lorsque la colère du Rishi fut apaisée, il promit à Mûshika qu’un jour, les dieux s’inclineraient devant lui. Ce jour est arrivé lorsque Ganesh le choisit comme compagnon. Ce rat a un rôle symbolique très fort : Ganesh est le symbole de l’union entre humain et divin. D’un côté l’éléphant, le plus grand animal terrestre et de l’autre le rat, un tout petit mammifère.
Ganesh sur Mûshika (illustration Birmane de 1906)
Le Dieu Rat
Il existe aussi un dieu rat dans la mythologie hindoue : le fils de Rudra. Il aurait le pouvoir d’apporter les maladies mais aussi de les guérir.
Le rat au Japon et en Chine
Abondance et nourriture
Dans le Japon traditionnel, les rats sont les messagers de Daikoku, divinité du commerce, de la richesse et des échanges. Il est le dieu de
l’abondance et fait partie des sept divinités du bonheur. Représenté au milieu de ballots de riz, des rats l’entourent signifiant qu’il y a assez
à manger pour eux, donc aussi pour l’homme. De plus, il est dit qu’apercevoir un gros rat est un présage de richesse.
En Chine, c’est également le rat qui apporte le riz à l’homme. Il amènerait les cinq bonheurs : la longévité, l’opulence, la paix, la santé et la félicité. Il est parfois considéré comme l’animal de l’âme, grâce à son intelligence et à sa sociabilité.
Le troisième jour du nouvel an chinois, un rite consiste à disposer des friandises (riz, pois, graines) dans les coins de la maison pour attirer les rats et les souris. Leur présence signifie que l’homme a assez pour nourrir sa famille en plus d’une famille de rongeurs.
Représentation de Daikoku qui accueille les rats apportant de l’argent dans sa maison
Chance
Le rat est également lié à la chance. Une légende raconte qu’un lettré qui travaillait seul dans sa grande demeure aperçu un rat se livrant à diverses pitreries. Aucun domestique ne répondant à son appel, il se leva pour le faire fuir. Une poutre tomba là où le lettré était anciennement assis. Le rat s’inclina et partit.
Le Zodiaque chinois
Le rat est le premier animal du cycle de douze animaux dans le zodiaque chinois. Les animaux et leur ordre furent choisis, selon la légende, par une course. Le rat savait qu’il ne pouvait gagner cette course. Il aurait dupé le chat afin qu’il ne puisse arriver avant lui, ensuite, il se serait faufilé parmi les autres animaux. Une version laisse entendre qu’il aurait été porté par le bœuf pour traverser la rivière. Il en profita pour lui piquer sa place et arriver
premier.
Les légendes autour du zodiaque chinois en disent long sur son caractère dans la mythologie : pas seulement porteur de bonheur, il est également mesquin et rusé.
Signe astrologique chinois du rat
(Alice-Astro, Creative Commons)
Mais…
Le rat n’est pas toujours de bon augure : en Chine, il a le pouvoir de se transformer en démon masculin. Dans certaines philosophies bouddhistes, il fait partie des animaux inférieurs en lesquels se réincarnent ceux qui ont fait le mal dans leur vie.
La vision du rat dans les pays d’Extrême-Orient est totalement différente de l’image qu’il renvoie dans les pays européens, où il est considéré comme un être rebutant, voire maléfique, qui dévaste les cultures et répand des maladies. Malgré des symboliques bien différentes, les rats ont longtemps alimenté le folklore et les légendes dans le monde entier et sont très présents dans l’art et la culture.
Texte : Valhalla.
Illustrations : domaine public (sauf mention contraire)
Modifié par L'Écho des Sputniks
- 1