A l’occasion de la sortie de son livre « Fancy Rats: Portraits and Stories » publié chez Amherst Media, nous avons interrogé la plus québécoise des ratouphiles françaises.
Bonjour Diane, peux-tu te présenter à nos membres ?
Bonjour ! J’ai 33 ans et je suis illustratrice, photographe et designer graphique, passionnée de rats de longue date et ancienne « pilier de comptoir » des forums ratounesques francophones. J’habite au Canada depuis avril 2017 (à Montréal plus précisément), je vivais auparavant en région parisienne. J’y ai passé plus de douze années J’ai adopté mon premier rat en 2006, et dès lors, trente-huit autres petits merveilleux se sont succédé dans ma troupe (dont plusieurs que j’avais pris en famille d’accueil et que je n’étais pas du tout censée garder, mais que voulez-vous… je suis faible !), ainsi qu’une trentaine de rats de sauvetages en famille d’accueil, pour lesquels j’ai pu trouver de chouettes adoptants, malgré mon envie de tous les garder. Mes débuts dans la photo avaient justement pour but de faire adopter ces rats, qui passaient hélas inaperçus parmi le très grand nombre d’animaux en attente d’une maison… et ça a fonctionné ! En prime, cela m’a permis de me découvrir une véritable passion pour la photographie.
Qu’est-ce qui t’a amenée au Québec ?
J’avais de plus en plus de mal à supporter la vie en région parisienne, le stress des transports, la pollution, le niveau de vie précaire, les loyers… Je comptais partir vivre en Suède, pays qui m’attirait depuis toujours et dont j’étais tombée amoureuse lors d’un voyage il y a déjà plusieurs années. J’aime le froid, les grands espaces, la nature sauvage, c’était une destination dont je rêvais depuis longtemps. Seulement voilà : la vie nous réserve toujours des surprises, et mon copain s’est vu offrir un poste à Montréal. Je n’avais jamais envisagé le Canada comme possible destination, mais je m’y suis tout de suite sentie chez moi lors de ma première visite, et j’ai donc fait ma demande de « Permis Vacances – Travail » pour l’y rejoindre. Je me sens particulièrement bien à Montréal, je dois en revanche briser un mythe : les températures estivales sont atroces, il y a de quoi finir cuit à la vapeur (l’air est très humide). C’est une terre de contrastes !
As-tu quitté la France avec des rats ? Réadopté ensuite ?
Je n’avais plus de rat lorsque j’ai quitté la France. Mon dernier loulou, Kjalarr, est décédé de vieillesse deux semaines avant que je parte découvrir Montréal, en août 2016. Je n’ai pas réadopté, sachant que je n’aurais pas pu adopter d’autres rats avant d’être installée dans mon nouveau pays. Et j’ai donné le matériel qui me restait, les réglementations et processus de quarantaine rendant en effet très complexe la venue d’un animal de compagnie externe au Canada. Je n’ai pas pu non plus adopter sur place : j’ai découvert avec surprise que les animaux peuvent être légalement interdits par les propriétaires des logements, cette clause pouvant figurer sur le bail… ce qui est le cas du mien.
J’offre cependant des séances photo gratuites à des refuges et familles d’accueil pour les aider à placer leurs petits protégés, et j’ai donc eu la chance de papouiller quelques ratounes québécoises absolument adorables ! J’espère pouvoir offrir une famille à quelques petits rescapés dans un futur plus ou moins proche. Il me faudra déménager, pour ça, et je préfère attendre d’avoir obtenu ma résidence permanente avant de m’engager dans une adoption, pour être sûre de ne pas mettre mes futurs petits protégés dans une situation délicate.
Le rat est-il un animal de compagnie populaire au Canada ?
D’après ma vision très limitée du milieu du rat au Québec, le rat me semble être un animal plus marginal qu’en France, et moins connu des vétérinaires.
Les vétos justement : sont-ils aussi rares et chers qu’on le dit ?
Il y a moins de cliniques vétérinaires spécialisées dans les Nouveaux Animaux de Compagnie, et certains vétérinaires refusent de soigner les petits rongeurs. Je présume que la densité de population (plus faible qu’en France) n’y est pas étrangère… Il y a peut-être des différences selon les provinces, je n’ai pour ma part qu’un aperçu limité au Québec. Les coûts des opérations classiques ne me semblent pas bien différents de ceux pratiqués par les vétérinaires spécialisés NAC en France (dans la fourchette haute des tarifs en région parisienne), en revanche les examens complémentaires et opérations moins classiques me semblent plus chers.
Y a-t-il une communauté organisée, des clubs, des associations, des rateries ?
Lors de mes recherches sur le web, j’ai trouvé très peu de rateries et peu d’associations et refuges dédiés aux NAC. Je connais deux refuges/associations à Montréal, ainsi qu’une raterie dans les environs, qui semble être la plus grande raterie québécoise, bien que je ne puisse pas l’affirmer (je ne la connais pas personnellement, néanmoins je suis sur un groupe Facebook qu’elle administre, et j’ai consulté ses pages web et Facebook.) Une chose est certaine : s’il y a des clubs, structures et associations similaires au LORD, Ratouphiles Associés et consorts, ils sont bien cachés ! Les refuges et associations sont assez similaires à ceux qu’on peut trouver en France. Il y a aussi des familles d’accueil, un système de dons pour aider à l’accueil de nouveaux animaux, des questionnaires d’adoption… Rien de très dépaysant.
D’autres différences ou similarités avec la France ?
En ce qui concerne la raterie que j’évoquais précédemment, c’est très différent de la petite raterie française classique. Là où la plupart des éleveurs français ont une ou deux familles, peu de phénotypes (dont pas mal de surprises qui apparaissent sans forcément avoir été prévues), et font des reproductions externes, il semble ici que ce soit bien plus comparable aux rateries qu’on peut par exemple trouver aux États-Unis : grand nombre de reproducteurs des deux sexes, nombreuses familles aux phénotypes bien spécifiques collant aux standards en vigueur et reproduites en interne, portées qui ne sont pas forcément placées mais parfois gardées en interne pendant plusieurs générations jusqu’à stabilisation du caractère ou d’éventuels soucis de santé récurrents.
Les ratons ne peuvent être adoptés que par deux du même sexe minimum, et s’il n’en reste qu’un nombre impair, c’est adoption par trio, ou pas d’adoption du tout. L’utilisation du culling n’est pas niée. Je ne sais pas si c’est le cas partout, en tout cas ce n’est visiblement pas un tabou comme ça peut l’être en France (je ne cautionne pas du tout le culling, mais que je le cite étant donné qu’il est mentionné par l’éleveuse sur son site).
Tu as sorti un livre de photographies de rats. Que contient-t-il ?
Le livre contient des portraits et des petites histoires qui y sont associées, ainsi qu’un rapide résumé des points à connaître avant de se lancer dans l’adoption de rats (où et combien de rats adopter, les litières autorisées, les aliments interdits, la santé…) et des conseils pour prendre des photos de rats et autres petits animaux. J’ai choisi de mettre en avant les infos importantes en avant dans le premier chapitre, pour éviter qu’elles passent à la trappe et que ce livre soit responsable d’adoptions impulsives.
Comment l’idée t’est venue ? Trouver un éditeur, ce n’était pas trop dur ?
J’y avais quelquefois songé, sans pour autant imaginer que ce soit un jour possible… Et pour être tout à fait honnête, si j’ai eu la chance de publier ce livre, ce n’est absolument pas parce que j’avais démarché des éditeurs, mais parce qu’une série de mes photos postée sur Bored Panda est devenue virale. Elle a été reprise par divers journaux (Metro, Le Huffington Post…) et a fait le tour du monde en quelques jours. C’est suite à ça que j’ai été contactée par la maison d’édition Amherst Media, spécialisée dans les livres photo (de très beaux catalogues dans le style National Geographic.) Je n’en revenais pas moi-même ! J’ai bien évidemment sauté sur l’occasion. C’était pour moi la parfaite opportunité pour prendre enfin le temps de rassembler mes photos préférées, tenter de redorer un peu l’image du rat domestique, et récolter des fonds pour des refuges et associations de protection animale.
As-tu pu faire « tout ce que tu voulais » pour le livre ?
En grande majorité oui. Je n’en ai pas fait la mise en page, mais j’ai tout de suite beaucoup aimé celle qui m’a été proposée. Je remercie d’ailleurs grandement mes éditeurs d’avoir été aussi sympathiques, aussi professionnels et d’avoir permis la naissance de cet ouvrage dont la qualité d’impression m’a vraiment fait très plaisir (les couleurs sont fidèlement reproduites, ce qui est assez rare pour être souligné). La quantité de texte que je pouvais ajouter en légende sous les photos était assez limitée, mais j’ai quand même pu narrer quelques petites anecdotes sympathiques.
La reproduction, ça ne te manque pas ?
Pour être tout à fait honnête, oui et non. La génétique me fascine, je me liquéfie devant les bouilles de ratons et leurs adorables gros nez, j’ai un attachement extrêmement fort à certaines familles et forcément, quand je vois de nouvelles naissances qui sont apparentées à des rats merveilleux que j’ai connus, et toutes les petites surprises colorées qui peuvent se révéler au fil des jours, je ne peux pas nier que ça me fait un petit pincement au cœur.
Pour autant, je ne souhaite absolument plus faire de reproduction, pour diverses raisons. La première est bien évidemment qu’il y a déjà beaucoup trop de rats sans famille, abandonnés ou nés de portées non désirées, qui patientent dans les associations et refuges, voire finissent en pitance pour reptile ou meurent oubliés dans leur petite cage. Rien que pour ceux-là, il m’est impensable de venir encore ajouter d’autres rats à la masse de ceux déjà présents. La seconde est que la simple idée qu’un descendant de rats nés chez moi puisse être abandonné, maltraité ou autre m’est insupportable. Tout comme le fait qu’un de ces rats puisse souffrir de pathologies héréditaires, que l’adoptant souffre lui aussi, etc. Le fait que la mère puisse mourir des complications d’une gestation est aussi rédhibitoire. Je ne serais pas capable d’encaisser le fait qu’une rate décède pour mon plaisir égoïste. Je pourrais encore développer, mais ce sont les trois raisons principales, avec l’évolution de ma vision de l’animal domestique dans le cadre d’une pensée antispéciste.
Et la France ? On peut espérer te revoir un de ces quatre ?
Très certainement de passage pour quelques jours (il n’y a que dix jours ouvrés de congés payés réglementaires ici, ce qui complique les choses pour voyager), mais je ne pense pas retourner y vivre à moins d’y être contrainte. Je me sens paradoxalement beaucoup plus « chez moi » à Montréal, même si mes amis de France me manquent, bien évidemment. Je ne sais pas si je resterai au Canada. Si je déménage encore dans les années à venir, je me ferai un plaisir de récolter autant d’infos que possible sur le rat domestique dans ces hypothétiques contrées !
Le livre de Diane est disponible sur Amazon. La moitié de ses droits d’auteur sont reversés à des associations de protection animale.
Texte : Artefact. Photos : Diane Özdamar.
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