Les Couillus de Chnou
Présente sur les forum depuis 10 ans, propriétaire de rats, raterie de mâles et vétérinaire, Chnouillette a plus d’une corde à son arc. Son témoignage nous donne une double vision du monde du rat inédite, à la fois celle d’une passionnée de rats et celle d’une professionnelle de santé animale.
Comment l’aventure rats a-t-elle commencé ?
En 2009, lorsque que j’ai quitté le domicile parental pour aller étudier. À la rentrée scolaire, j’ai rapidement pensé à prendre un animal afin de ne pas être seule chez moi. Il me fallait une espèce que je puisse maintenir dans mon petit studio et que je puisse assumer financièrement.
Après avoir un peu regardé sur internet, je me suis orientée vers le rat. Je me suis inscrite sur les forums en octobre, j’ai lu beaucoup de sujets sans participer aux discussions et je me suis laissée séduire par l’espèce. Mes premiers rats (adoptés en raterie, c’est ma petite fierté) sont nés en janvier, je suis donc officiellement devenue « maman-rat » en mars 2010.
Tu es l’une des rares ratouphiles à être toi même vétérinaire. Qu’est-ce que ta formation professionnelle t’apporte par rapport à tes propres rats ? Est-ce que c’est plutôt un avantage, un inconvénient ou un peu des deux ?
À l’école vétérinaire, on n’apprend presque rien sur les rats (tout comme les autres NAC).
Je ne suis devenue vétérinaire que 5 ans après avoir adopté, j’ai donc tout appris sur les rats en tant que ratouphile et pas en tant qu’étudiante vétérinaire. En dehors de l’école, j’ai effectué par moi-même quelques formations NAC et travaillé avec des vétérinaires NAC réputés, ce qui m’a donné quelques avantages par rapport à mes confrères généralistes pour les soigner convenablement. Le gros avantage est surtout pratique, j’ai tout ce qu’il faut à la maison pour les soigner à n’importe quelle heure (hormis urgence vitale nécessitant des soins très précis) et c’est un poste de dépense en moins. Le désavantage pour moi qui suis en campagne, c’est de ne pas pouvoir demander un second avis quand le vétérinaire le plus calé du coin c’est
soi-même, ainsi que de devoir en supporter la responsabilité psychologique lorsqu’il y a des échecs thérapeutiques sur son propre animal.
Est-ce que tu interviens sur tes propres rats ou préfères-tu les confier à un confère ou une consœur ?
Tout dépend du type d’intervention. Lorsque j’habitais à proximité d’une excellente clinique avec de vrais spécialistes, je leur laissais tout faire. En effet même si je sais faire, et que je fais sur d’autres, j’ai du mal à gérer l’aspect émotionnel et le stress inhérent à tout risque
anesthésique. D’autant plus que la chirurgie n’est pas la discipline que je préfère dans mon métier. Maintenant, à la campagne, je suis obligée de plus me débrouiller par moi-même ou de demander à mes confrères au sein de la clinique, s’ils sont disponibles, pour me décharger de l’émotion. Mais je n’irais pas faire des heures de route uniquement pour une chirurgie que ni moi ni eux ne maîtriserions.
Qu’est-ce que ton expérience personnelle en tant que propriétaire de rats t’a apporté dans ta profession ? As-tu régulièrement des rats parmi tes patients ?
Si je mets de côté tout ce que j’ai appris en terme médical sur les forums (exemple : la tumeur hypophysaire que beaucoup de vétérinaires ne connaissent pas encore, je l’ai connue grâce aux forums mais je l’aurais quand même découverte en formation si je n’avais pas possédé de rats), ce sont plutôt des astuces « praticopratiques » que je peux donner à mes clients pour soigner les patients. Par exemple, comment saucissonner une plaie, faire avaler un médicament dans de la blédine, leur parler des différents modèles de cage, ce genre de choses.
Je serais bien moins à l’aise pour d’autres espèces de rongeurs sur ce point là, alors même que le côté purement médical ne serait pas si différent. Je suis également beaucoup plus à l’aise pour les manipuler que d’autres rongeurs.
Malheureusement, je n’en vois pas assez à mon goût ! Dans le petit cabinet dans lequel j’exerce, j’en compte peut-être une dizaine, ce qui n’est déjà pas si mal finalement.
Dans quelques mois, tu fêteras tes 10 ans d’inscription sur SRFA, pourrais-tu nous faire un petit résumé de ton expérience sur le forum ? Quelles évolutions constates-tu ?
SRFA pour moi au départ était un forum très « impressionnant » dans le sens où c’était une mine d’informations dans chaque sujet. J’avais l’impression que toutes les personnes les plus impliquées dans le partage de connaissances autour de l’espèce, tous domaines confondus s’y retrouvaient. Ainsi, c’était un peu intimidant pour une néophyte mais finalement, en commençant moi-même à connaître les bases et après avoir adopté, j’ai finalement lu de manière active les sujets, même si ma participation en termes de posts est restée mineure sur le forum. Maintenant, je suis surtout contente d’y croiser beaucoup de « vieilles » comme moi, ce qui à mon avis est justement lié au fait qu’il s’agit des mêmes personnes très impliquées et n’ayant donc pas arrêté les rats ni les forums. Même si je ne fais pas partie de l’association que le forum est devenu, je suis ravie pour toutes les personnes impliquées et pour l’institution SRFA que l’aventure ait pu prendre cette tournure. C’est une super avancée pour le monde du rat en France. Ce qui me
peine en revanche, c’est qu’il a subi depuis plusieurs années maintenant, et comme tous les forums, une grosse baisse d’activité à cause des réseaux sociaux qui ont drainé une grosse partie des nouveaux ratouphiles.
Comment en es-tu venue à faire des portées ?
À cause d’un hasard de la vie ratouphile, qui chez moi a longtemps pu se résumer par « à quelque chose malheur est bon ». En effet, j’ai perdu Dexter, l’un de mes deux premiers rats à peine 2 semaines après son arrivée d’un terrible accident domestique. J’ai donc adopté Banksy pour que mon Sam ne reste pas seul. J’ai envoyé un formulaire d’adoption à la première portée venue de raterie qui me semblait correcte et qui avait des ratons disponibles.
À la question de la reproduction, je ne sais pas pourquoi car je n’avais aucune arrière-pensée et qu’à l’époque les rateries ne couraient pas après les adoptants de mâles « ok repro », mais plutôt que d’écrire « non », j’ai écrit « je n’adopte pas du tout pour cela mais je ne suis pas contre si c’est nécessaire ». La raterie cherchait justement à caser un mâle reproductible chez quelqu’un et me l’a assez rapidement proposé elle-même, finalement très précocement dans ma vie de ratouphile.
La reproduction du rat n’est pas une chose facile et ton expérience en est malheureusement la preuve, pourrais-tu nous en dire un peu plus si possible ?
Effectivement, j’ai eu des déconvenues à chacune de mes portées jusque récemment.
Lors de la portée de Banksy, la maman qui était nue les a probablement étouffés par effet « ventouse » combiné à de mauvaises postures prises sur son nid. Nous avons perdu 9 bébés sur 14 en deux jours et avons miraculeusement sauvé les autres en adoptant en urgence une mère allaitante en animalerie et sa portée.
Nous avons donc subi un choc émotionnel énorme, pris un risque sanitaire pour les bébés restants et la troupe de ma raterie partenaire,
sans compter la charge financière et le fait de devoir garder la mère nourrice ensuite. Lors de la portée de Hepha Le Rat, sa femelle n’a pas
réussi à expulser les bébés, elle a dû subir une césarienne en urgence et nous avons perdu les 14 bébés. Choc émotionnel et bien sûr lourde conséquence financière. J’avais trouvé une deuxième femelle pour le reproduire mais Hepha est décédé 2 jours avant le covoiturage
prévu extrêmement brutalement : fin de cette famille. Lors de la portée de Jean-Rat, celui-ci a déclenché une tumeur de la glande de Zymbal
à 13 mois, une semaine après la saillie. Ce qui a entraîné moult questionnements sur le fait de maintenir ou non cette gestation. C’est le choix
qui a été fait, engendrant certains commentaires un peu durs à lire, la réorganisation de plan de reproduction chez ma partenaire et la fin de cette branche chez moi, encore une fois.
Je dirai tout simplement qu’à chaque portée, il faut être prêt à parer à toute éventualité, mais surtout à pouvoir assumer matériellement autant que psychologiquement les conséquences du choix d’avoir voulu reproduire.
Après quelques déceptions, tu as pu enfin vivre une portée de A à Z, est-ce que cette expérience a été à la hauteur de tes espérances ?
Effectivement après la portée évoquée ci-dessus, j’ai eu de nouveau un gros coup dur : le fils de Jean-Rat est brutalement décédé à 7 mois 2 semaines après son père, mettant fin à tout projet de reproduction chez moi bien qu’on avait déjà écarté l’idée, mais surtout me retrouvant une nouvelle fois avec un rat seul. J’étais à deux doigts de tout arrêter. À ce moment là je n’ai plus voulu adopter que peu de rats et uniquement pour compagnie, et ai pris beaucoup de retrait sur le monde « virtuel » du rat. La portée de Ponyo et de Pacific a donc totalement été faite dans le but d’aider les naisseuses à poursuivre leur famille, pas du tout pour me remettre à la reproduction. Cela dit, j’avais toujours eu cette frustration de propriétaire de mâles de ne pas voir les bébés lors des portées, de ne pas connaître l’odeur ni la « texture » des ratons, et de me contenter de photos. J’en parlais très souvent ! C’était pour moi une espèce de « fantasme » puisque impossible sans avoir de femelle. J’ai donc été enchantée de pouvoir vivre cette expérience et effectivement ça a largement été à la hauteur de mes espérances, j’ai pris ma dose de mignonitude et de bisousléchouilles pour un moment !
Aurons-nous la chance de voir d’autres petits CDC dans les futures portées ?
Il se trouve que la naisseuse d’un autre de mes rats, Kamtschatkana, que j’avais adopté sans but de reproduction, m’a également demandé s’il pouvait entrer dans son plan. J’ai donc accepté pour les mêmes raisons que pour Ponyo et avec moins d’appréhension vu ma dernière juin et pour des questions pratiques je les aurai à la maison pour leurs 12 premiers jours de vie, ce qui me comble de joie.
As-tu de futurs projets ou envies ratounesques ?
Eh bien ayant maintenant remis le pied à l’étrier de la reproduction et gardant des mâles de ces deux portées réussies, je pense qu’on me re-sollicitera probablement pour la suite de ces deux familles. Toutefois, je ne souhaite plus m’impliquer comme avant (je n’en ai plus la motivation ni le temps) donc je laisse les « chefs de projets » me contacter lorsqu’elles auront besoin que je mette la main à la pâte.
Cela me va très bien comme ça. Pour l’aspect « compagnie » et bien continuer ma petite troupe de couillus (une partie de mes rats descend encore de mes 2 premiers rats !), je pense que garder un nombre de rats raisonnable a toujours été le facteur qui a fait que je n’ai pas arrêté. Maintenant, le fait de rester discrète et de ne pas beaucoup m’impliquer dans la communauté comme j’ai pu le faire à mes débuts me convient bien, je pense que j’ai trouvé mon équilibre.
Texte : Tani. Photos : Chnou, Diane Özdamar